Échange avec le Congo
Lors d’un premier voyage à Brazzaville en février 2017, Rebecca rencontre plusieurs artistes congolais, dont Alexandre Mikouiza. C’est aussi à Brazzaville qu’elle découvre l’écriture de Sony Labou Tansi. De retour du Congo, Rebecca partage avec Benjamin ce qu’elle a vu là-bas, ses impressions quant aux questions du territoire, des frontières, de l’industrialisation, de la nouvelle colonisation – et lui met entre les mains Une vie en arbre et chars… bonds, de Sony Labou Tansi.
L’échange artistique avec Brazzaville se poursuit à l’été 2017, grâce à l’accueil et la tenue d’un stage mené par le chorégraphe et percussionniste Alexandre Mikouiza, dit Muleck, organisé par le collectif du Passeur, en Normandie.
C’est tout naturellement que Benjamin et Rebecca proposent à Muleck de lui « renvoyer la balle » et de venir à leur tour à Brazzaville. Ensemble, et avec Salomé Fels, iels jettent les basent d’un stage qui réunirait des artistes congolais.e.s et français.e.s autour d’Une vie en arbre et chars… bonds – dont Rebecca et Benjamin ont monté une version lue au pupitre pour deux comédien.ne.s.
Benjamin et Rebecca partent donc à Brazzaville en février 2020. S’y tient un stage de 10 jours avec une quinzaine d’artistes congolais.e.s – comédien.ne.s, chanteur.se.s, slameur.se.s, musicien.ne.s – accueilli par l’Institut Français du Congo.
Notre intention, par Benjamin Fouchard
Pourquoi deux Normand.e.s veulent-ils se frotter à l’écriture de Sony Labou Tansi ?
Quand nous décidons, avec Rebecca, de travailler sur Une vie en arbre et chars… bonds, c’est pour nous décaler, pour nous aventurer sur un terrain nouveau. Pour démontrer la diversité de la langue française, qui n’est pas uniquement la langue de Molière mais de bien d’autres auteur.rice.s, et s’ouvrir à la richesse de la francophonie.
Sony Labou Tansi parle « d’européanismes crasseux », il dénonce la science devenue trop savante, au point de nous empêcher de rêver, il titille l’esprit cartésien des Européen.ne.s. Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de nous frotter à son écriture changeante.
Et qui sait, peut-être que nous nous y sommes reconnu.e.s.
Mais nous devons rendre à Sony ce qui est à Sony. Ses textes s’inspirent du Congo, de sa terre, de sa culture, de son langage. Et en tant que Français.e.s, nous ne pouvions imaginer parler sa langue sans avoir vu sa ville, là où il a travaillé et créé avec le Rocado Zulu Théâtre.
Surtout, au-delà de toutes ces considérations, Sony Labou Tansi appelle à la rencontre – peut-être même parfois à la confrontation – des personnes différentes, il appelle à s’émerveiller de l’étrange et de l’étranger. Alors, quoi de mieux pour constituer les fondations d’un stage ?
Rencontrer, pendant ces dix jours, des artistes qui elleux-mêmes ont croisé l’écriture de Sony Labou Tansi, l’ont entendue différemment – qui ont peut-être elleux-mêmes connu Sony en personne.
En passant par son écriture, nous allons convoquer à notre tour son énergie, nous appuyer sur ses mots pour former un groupe, porter son langage, aller jusqu’à l’ébullition.
Une vie en arbre et chars…bonds sera notre point de départ. Ce texte s’ouvre sur l’arrivée de Colette et Charlotte, deux Suédoises, dans un endroit un peu magique, au pied d’un arbre abîmé par les carcasses de voitures et les déchets. Une « tragique jouerie », sur une terre malmenée par des envahisseurs successifs, mais résistante, dans un dernier cri, pour préserver ce qui reste de végétal et d’organique dans notre monde.
Autant de thèmes capables de résonner avec cette rencontre franco-congolaise.